TUE, 18/11/2020, T-574/19
Tinnus Enterprises / EUIPO - Mystic Products et Koopman International
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https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=233872&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=1024257Apport de la décision :
Cette décision rappelle les questions qu’il convient de se poser pour apprécier la validité d’un modèle dont la forme consiste en des éléments techniques. Pour savoir si l’exclusion de la protection des formes exclusivement techniques de l’article 8(1) du Règlement CE doit s’appliquer, il convient de répondre à plusieurs questions.
A la suite de l’arrêt DOCERAM (CJUE Aff. C-395/16 8 mars 2018), la décision rappelle qu’il faut :
- Déterminer la fonction technique du produit concerné
- Puis, identifier et analyser les caractéristiques de l’apparence du produit
- Ensuite, examiner au regard de toutes les circonstances objectives pertinentes, si chacune des caractéristiques de l’apparence du produit est exclusivement imposée par la fonction technique du produit concerné
Ici, la décision précise que « s’il est conclu qu’au moins l’une des caractéristiques de l’apparence du produit concerné n’est pas exclusivement imposée par la fonction technique dudit produit, le dessin et modèle reste valide et confère protection à cette caractéristique ».
Si toutes les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit, l’exclusion s’applique. Il n’y a donc pas lieu d’étudier la nouveauté et le caractère individuel.
Le modèle vise à protéger une installation pour la distribution de fluides permettant de remplir des ballons à eau. Par une décision confirmative du 12 juin 2019, l’EUIPO avait déclaré le modèle nul en cause en concluant qu’il reposait sur les caractéristiques de l’apparence du produit, à savoir des installations pour la distribution de fluides, étaient exclusivement imposées par sa fonction technique. Tinnus Enterprises a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision devant le Tribunal.
Dans cette décision, le Tribunal rejette le recours. La décision applique et complète l’appréciation issue de l’arrêt du 8 mars 2018 (DOCERAM). Pour mémoire, l’arrêt DOCERAM avait permis l’abandon de la théorie de la multiplicité de formes (selon laquelle l’existence de différences formes possibles pouvant remplir une même fonction pouvait faire échapper un modèle technique à la nullité).
L’existence de modèles alternatifs (multiplicité des formes) peut constituer une circonstance pertinente à prendre en considération mais d’autres circonstances doivent également être prises en compte (comme en l’espèce l’existence d’une demande de brevet européen déposée par le titulaire). Le Tribunal considère que l’EUIPO a bien tenu compte de toutes les circonstances objectives pertinentes pour annuler le modèle et rejette le recours du titulaire.
Le Tribunal apporte aussi des précisions sur l’identification des caractéristiques de l’apparence d’un produit (qui peut notamment se faire par un simple examen visuel du modèle ou bien selon les cas, si nécessaire, en tenant compte d’autres éléments comme de témoignage d’experts par exemple).
Images du modèle invoqué / dont la validité est en jeu :
Texte (ou extrait) de la décision :
ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)
18 novembre 2020 (*)
« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant des installations pour la distribution de fluides – Motif de nullité – Non-respect des conditions de protection – Article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Caractéristiques de l’apparence d’un produit exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci – Article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 »
Rappel des faits et procédure
(…)
- La requérante, Tinnus Enterprises LLC, est la titulaire du dessin ou modèle communautaire déposé le 10 mars 2015 auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et enregistré sous le numéro 1 431 829‑0001 (ci-après le « dessin ou modèle contesté »), en vertu du règlement (CE) no6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).
(…)
3 Conformément à l’article 36, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, la requérante a précisé dans la demande d’enregistrement que le dessin ou modèle contesté était destiné à être appliqué au produit « installations pour la distribution de fluides », (…)
4 Le 7 juin 2016, Mystic Products Import & Export, SL, a déposé une demande en nullité relative au dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 1, et l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement. Mystic Products Import & Export soutenait, notamment, que l’ensemble des caractéristiques du dessin ou modèle contesté étaient imposées uniquement par leur fonction technique. Par conséquent, eu égard à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, ledit dessin ou modèle ne pourrait bénéficier d’aucune protection.
5 Le 19 avril 2017, l’intervenante, Koopman International BV, a également déposé une demande en nullité relative au dessin ou modèle contesté, fondée sur les mêmes dispositions et la même argumentation, en substance, que celles mentionnées au point 4 ci-dessus. L’intervenante demandait que ledit dessin ou modèle soit déclaré nul ou, à tout le moins, qu’il ne bénéficie que d’une protection restreinte.
6 Le 30 août 2017, l’EUIPO a informé les deux demanderesses en nullité que leurs demandes seraient examinées dans le cadre d’une procédure unique en vertu de l’article 54 du règlement no 6/2002.
7 Par décision du 30 avril 2018, la division d’annulation a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté.
8 Le 31 mai 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, tendant à l’annulation de la décision de la division d’annulation.
9 Par décision du 12 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a confirmé la conclusion de la division d’annulation selon laquelle le dessin ou modèle contesté reposait sur des caractéristiques d’un produit, à savoir des installations pour la distribution de fluides, exclusivement imposées par la fonction technique de ce produit, de sorte que ledit dessin ou modèle devait être déclaré nul en vertu de l’application conjointe de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Par conséquent, le recours de la requérante a été rejeté.
(…)
(Motivation)
12 La requérante a invoqué quatre moyens à l’appui de son recours qui ont trait à l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, faite par la chambre de recours dans la décision attaquée.
13 L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 prévoit qu’un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.
14 En rapport avec l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, le considérant 10 dudit règlement précise ce qui suit :
« L’innovation technologique ne devrait pas être entravée par l’octroi de la protection des dessins ou modèles à des caractéristiques imposées exclusivement par une fonction technique, étant entendu qu’il n’en résulte pas qu’un dessin ou modèle doit présenter un caractère esthétique. De même, l’interopérabilité de produits de fabrications différentes ne devrait pas être entravée par l’extension de la protection aux dessins ou modèles des raccords mécaniques. Par conséquent, les caractéristiques d’un dessin ou modèle qui sont exclues de la protection pour ces motifs ne devraient pas être prises en considération pour apprécier si d’autres caractéristiques de ce dessin ou modèle remplissent les conditions d’obtention de la protection. »
15 La Cour, dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 31), a, notamment, conclu que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 excluait la protection, au titre du droit des dessins ou modèles communautaires, des caractéristiques de l’apparence d’un produit lorsque des considérations d’une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l’aspect visuel, n’ont joué aucun rôle lors du choix desdites caractéristiques, et ce même s’il existe d’autres dessins ou modèles permettant d’assurer cette même fonction.
16 La Cour a précisé que, pour apprécier si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, il y avait lieu d’établir que cette fonction est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’étant pas déterminante à cet égard (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 32).
17 Selon la Cour, l’appréciation de la question de savoir si les caractéristiques de l’apparence d’un produit relèvent de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être effectuée au regard de toutes les circonstances objectives pertinentes de chaque cas d’espèce. Cette appréciation doit, notamment, être effectuée au regard du dessin ou modèle en cause, des circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, des données relatives à son utilisation ou encore de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique, pour autant que ces circonstances, ces données ou cette existence sont étayées par des éléments de preuve fiables (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37).
18 C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’apprécier les moyens invoqués par la requérante.
Sur le premier moyen, tiré du fait que la chambre de recours n’a pas adopté une approche structurée et systématique dans la décision attaquée
(…)
23 Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, du considérant 10 dudit règlement et de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), que l’appréciation d’un dessin ou modèle communautaire au regard de la disposition susvisée comporte les étapes suivantes : en premier lieu, il convient de déterminer la fonction technique du produit concerné, en deuxième lieu, d’analyser les caractéristiques de l’apparence dudit produit au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et, en troisième lieu, d’examiner, au regard de toutes les circonstances objectives pertinentes, si ces caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné, en d’autres termes, si la nécessité de remplir cette fonction technique est le seul facteur ayant déterminé le choix par le créateur de ces caractéristiques, des considérations d’une autre nature, en particulier celles liées à l’aspect visuel dudit produit, n’ayant joué aucun rôle lors du choix de ces caractéristiques (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, points 26 et 31). Eu égard au considérant 10 du règlement no 6/2002, les caractéristiques exclusivement fonctionnelles du dessin ou modèle en cause ne doivent pas être prises en considération pour apprécier si d’autres caractéristiques dudit dessin ou modèle remplissent les conditions d’obtention de la protection, au regard, notamment, des critères de « nouveauté » et du « caractère individuel » prévus à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.
24 Il ressort de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et du considérant 10 dudit règlement que, s’il est conclu qu’au moins l’une des caractéristiques de l’apparence du produit concerné n’est pas exclusivement imposée par la fonction technique dudit produit, le dessin ou modèle en cause reste valide et confère protection à cette caractéristique.
25 En revanche, ainsi qu’il ressort également de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et du considérant 10 dudit règlement, et ainsi que le relève à juste titre l’EUIPO, si toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné sont exclusivement imposées par sa fonction technique, le dessin ou modèle en cause ne sera pas valide, à moins qu’il apparaisse que l’agencement desdites caractéristiques a été imposé par des considérations ne relevant pas exclusivement de la nécessité de remplir la fonction technique du produit concerné, en dégageant, notamment, une impression visuelle d’ensemble allant au-delà de la simple fonction technique. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du système prévu par le règlement no 6/2002, l’apparence constitue l’élément déterminant d’un dessin ou modèle (voir arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 25 et jurisprudence citée) et, par conséquent, un agencement particulier des caractéristiques pourrait être choisi à des fins autres que la nécessité de remplir une fonction technique et, notamment, à des fins ornementales et, plus généralement, à des fins visant à améliorer l’aspect visuel du dessin ou modèle.
26 Ainsi que l’EUIPO le précise à juste titre, dans l’hypothèse de l’agencement particulier susvisé, le dessin ou modèle en cause reste valide et confère protection uniquement à cet agencement particulier et non pas aux caractéristiques de l’apparence du produit exclusivement fonctionnelles qui sont concernées par cet agencement.
27 Il résulte des points 23 à 26 ci-dessus que la définition par la requérante des étapes d’analyse requises par l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, présentée au point 19 ci-dessus, est, en substance, exacte. Il convient donc d’examiner si la chambre de recours a correctement appliqué ces étapes dans la décision attaquée.
28 En ce qui concerne la première étape de l’analyse, la chambre de recours a indiqué, au point 23 de la décision attaquée, qu’il y avait lieu, tout d’abord, de déterminer la fonction technique du produit dans lequel le dessin ou modèle contesté s’intégrait. La chambre de recours a pris en compte le fait que la requérante, titulaire dudit dessin ou modèle, a décrit ce produit dans la demande qui a mené à l’enregistrement du dessin ou modèle contesté, comme des « installations pour la distribution de fluides » (point 23 de la décision attaquée). La chambre de recours a établi que ledit produit avait pour objectif de divertir les enfants en facilitant l’organisation d’une bataille d’eau (point 33 de la décision attaquée) et a précisé que la fonction technique de ce produit était de remplir simultanément un certain nombre de ballons gonflables (point 34 de la décision attaquée). Il ressort de ce qui précède que la première étape de l’analyse, relevée au point 23 ci-dessus, est présente dans la décision attaquée.
29 En ce qui concerne la deuxième étape de l’analyse, il convient de constater qu’au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a clairement identifié et analysé les caractéristiques de l’apparence du produit concerné, celles-ci étant : premièrement, le raccord avec une ouverture et un certain nombre de trous, deuxièmement, un certain nombre de tubes attachés au raccord, troisièmement, un certain nombre de ballons gonflables fixés à l’extrémité des tubes et, quatrièmement, un certain nombre d’attaches fixant les ballons aux tubes. Il s’ensuit que la deuxième étape de l’analyse, relevée au point 23 ci-dessus, est également présente dans la décision attaquée.
30 Aux points 33 à 36 de la décision attaquée, la chambre de recours a effectué la troisième étape de l’analyse, en examinant si chacune des caractéristiques de l’apparence du produit était exclusivement imposée par sa fonction technique. En particulier, au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours, aux fins d’examiner les fonctions des quatre caractéristiques identifiées, a pris en compte la présentation suivante sur Internet du produit de la requérante et titulaire du dessin ou modèle contesté, dénommé « Bunch O Balloons » :
« [U]n raccord pour tuyau d’arrosage avec 37 ballons préattachés qui se nouent automatiquement une fois qu’ils sont remplis d’eau. […] Les ballons, non gonflés, sont emmanchés sur 37 tiges. Autour du col de chaque ballon, un petit élastique fixe fermement le ballon sur la tige. Les tiges sont reliées à un embout unique qui peut être raccordé à un tuyau d’arrosage pour le remplissage. Ce système permet de remplir simultanément tous les ballons avec de l’eau. Une fois les ballons remplis, il suffit alors de couper l’arrivée d’eau et de secouer délicatement les ballons pour les libérer et les intégrer à votre arsenal. »
31 Par ailleurs, la chambre de recours, aux points 35 et 36 de la décision attaquée et en réponse aux arguments de la requérante tirés du témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté, a constaté que l’aspect visuel du dispositif résultait de sa fonction technique et que, s’il était vrai qu’il existait, en principe, des dessins ou modèles alternatifs par la taille, la forme et la disposition des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, il convenait toutefois en l’espèce de tenir compte du fait que les caractéristiques et la manière dont elles étaient conçues garantissaient des effets techniques qui permettaient au produit de fonctionner parfaitement. Par ailleurs, au point 28 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté et approuvé l’analyse de la division d’annulation consistant à examiner le dessin ou modèle contesté dans son ensemble. Il ressort ainsi des points 28, 35 et 36 de la décision attaquée que la chambre de recours a examiné la question de savoir si l’agencement des caractéristiques individuelles de l’apparence du produit concerné produisait une impression visuelle d’ensemble dont il pouvait être déduit que cet agencement n’était pas dicté exclusivement par des considérations relatives à la nécessité que ledit produit remplisse sa fonction technique.
32 Aux points 37 et 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a, ainsi, conclu, en substance, que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient exclusivement imposées par sa fonction technique et, au point 39 de la décision attaquée, que le dessin ou modèle contesté devait, par voie de conséquence, être déclaré nul.
33 Il résulte des points 30 à 32 ci-dessus que la troisième étape de l’analyse, relevée au point 23 ci-dessus, est présente dans la décision attaquée.
34 En ce qui concerne la quatrième étape de l’analyse identifiée par la requérante et présentée au point 19 ci-dessus, force est de constater que, la chambre de recours ayant considéré que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient imposées par sa fonction technique et ayant, dès lors, conclu à la nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, pris conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement, il n’y avait pas lieu qu’elle examine la nouveauté et le caractère individuel du dessin ou modèle susvisé.
35 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que la chambre de recours a effectué toutes les étapes nécessaires à l’examen de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. La question relative au bien-fondé des appréciations de la chambre de recours relève d’une problématique distincte et sera abordée dans le cadre de l’examen des autres moyens soulevés par la requérante.
36 En ce qui concerne le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas examiné sur le fond le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté, il convient de relever que ledit témoignage est présenté au point 14 de la décision attaquée. Au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours répond au fond à l’argumentation de la requérante fondée sur ledit témoignage. Plus spécifiquement, au point 35 susmentionné, la chambre de recours répond à l’argument selon lequel le dessin ou modèle contesté se rapporte à un produit destiné à être vendu aux consommateurs, à l’argument selon lequel il y a plusieurs autres manières pour obtenir le même résultat technique que celle qui est représentée sur le dessin ou modèle contesté et plusieurs variations possibles dudit dessin ou modèle, et à l’argument selon lequel le dessin ou modèle contesté présente une « apparence simple, nette et élégante ». La chambre de recours rejette ces arguments en affirmant que ceux-ci ne modifient pas le fait que l’aspect visuel du dispositif résulte bien de sa fonction technique et que, conformément à l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), le simple fait qu’un dessin ou modèle alternatif existe ne signifie pas que l’apparence d’un produit a été imposée par d’autres considérations que des considérations techniques. La chambre de recours développe davantage cette analyse au point 36 de la décision attaquée.
37 Il s’ensuit que le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas examiné sur le fond le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté doit être rejeté.
38 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure au rejet du premier moyen.
Sur le deuxième moyen, tiré du fait que la chambre de recours n’a pas analysé les caractéristiques de l’apparence du produit concerné et sa fonction technique et qu’elle a utilisé un seuil erroné d’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002
39 La requérante fait grief à la chambre de recours, premièrement, d’avoir analysé les caractéristiques techniques du produit en cause ou les éléments le composant, au lieu d’avoir analysé les caractéristiques de son apparence (premier grief) et, deuxièmement, d’avoir analysé les fonctions desdites caractéristiques techniques ou desdits éléments, au lieu d’avoir analysé la fonction technique du produit (deuxième grief). Selon la requérante, il résulte de ces erreurs que la chambre de recours a adopté un critère préliminaire différent et moins exigeant que celui requis par l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, tel qu’il est interprété par l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), consistant à rechercher si chacune des caractéristiques de l’apparence du produit était exclusivement imposée par sa fonction technique (troisième grief).
40 L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.
Sur le premier grief, relatif au défaut d’analyse par la chambre de recours des caractéristiques de l’apparence du produit concerné
41 À titre liminaire, il y a lieu de noter que le règlement no 6/2002 ne fournit pas de définition précise des « caractéristiques de l’apparence d’un produit ». Dans la définition d’un dessin ou modèle figurant à l’article 3, sous a), dudit règlement, le terme « caractéristiques » est utilisé de manière large, englobant tous les aspects possibles de l’apparence d’un produit, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit. Ainsi que l’EUIPO le relève à juste titre, l’identification de ces caractéristiques doit être effectuée au cas par cas et dépend du produit concerné [voir, par analogie, arrêt du 24 septembre 2019, Roxtec/EUIPO – Wallmax (Représentation d’un carré noir contenant sept cercles bleus concentriques), T‑261/18, EU:T:2019:674, points 51 et 55].
42 Ainsi, l’identification des caractéristiques de l’apparence d’un produit peut, selon le cas, et en particulier eu égard au degré de complexité de celui-ci, être effectuée par une simple analyse visuelle du dessin ou modèle ou, au contraire, être fondée sur un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte des éléments utiles à l’appréciation, tels que des enquêtes et des expertises, ou encore des données relatives à des droits de propriété intellectuelle conférés antérieurement en rapport avec ce produit concerné [voir, par analogie, arrêt du 19 septembre 2012, Reddig/OHMI – Morleys (Manche de couteau), T‑164/11, non publié, EU:T:2012:443, point 38 et jurisprudence citée].
43 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a commencé son analyse en relevant que la requérante, dans la demande qui a mené à l’enregistrement du dessin ou modèle contesté, a décrit le produit auquel ledit dessin ou modèle s’appliquait, comme des « installations pour la distribution de fluides » (point 23 de la décision attaquée).
44 Ensuite, la chambre de recours a, en substance, noté qu’elle tiendrait compte de la demande de brevet européen EP 3 005 948 A 2, déposée au nom de la requérante le 3 octobre 2015, afin d’obtenir des informations et des éléments de preuve plus précis portant sur la nature du produit susvisé et les caractéristiques fonctionnelles du dessin ou modèle contesté (point 25 de la décision attaquée).
45 La chambre de recours a, ainsi, identifié, au point 34 de la décision attaquée, les caractéristiques de l’apparence du produit comme étant, premièrement, le raccord avec une ouverture et un certain nombre de trous, deuxièmement, un certain nombre de tubes attachés au raccord, troisièmement, un certain nombre de ballons gonflables fixés à l’extrémité des tubes et, quatrièmement, un certain nombre d’attaches fixant les ballons aux tubes. La chambre de recours a considéré que toutes ces caractéristiques étaient nécessaires au fonctionnement de la solution technique permettant de remplir simultanément un certain nombre de ballons gonflables.
46 Il est vrai que, selon l’analyse de la chambre de recours, les quatre caractéristiques de l’apparence du produit susvisées correspondent aux éléments individuels qui composent ce produit. En effet, au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que le produit « installations pour la distribution de fluides » consistait en un raccord qui pouvait être connecté à un dispositif d’arrivée d’eau tel qu’un robinet ou un tuyau d’arrosage, que l’eau était distribuée au moyen de multiples tiges (tubes) fixées au raccord par des trous et qu’elle remplissait les ballons gonflables maintenus à l’extrémité des tiges (tubes) par des élastiques. D’après la chambre de recours, une fois que les ballons sont suffisamment remplis d’eau, le poids du liquide leur permet de se détacher des tiges, et les élastiques viennent les clore, retenant ainsi l’eau à l’intérieur de ceux-ci, de sorte que ces ballons peuvent être utilisés dans le contexte de batailles d’eau.
47 Toutefois, la circonstance qu’il y ait une coïncidence entre les caractéristiques de l’apparence du produit concerné et les éléments individuels qui le composent ne signifie pas que la chambre de recours a commis une erreur dans l’identification desdites caractéristiques. Conformément aux considérations contenues aux points 41 et 42 ci-dessus, il convient de noter, d’une part, que l’identification de ces caractéristiques dépend du produit concerné. En l’espèce, compte tenu du caractère complexe de ce produit, qui est composé de plusieurs éléments individuels, il est logique que les caractéristiques de son apparence coïncident avec ces éléments individuels. D’autre part, sur le plan de la méthode, la chambre de recours était en droit, eu égard à la complexité du produit concerné, de ne pas se limiter à une simple analyse visuelle de celui-ci, mais de procéder à un examen approfondi et d’identifier comme caractéristiques de son apparence les éléments visibles qui le composent et qui forment cette apparence.
48 Sur le fondement de ces considérations, il convient de rejeter le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas analysé les caractéristiques de l’apparence du produit concerné. Cette conclusion est corroborée par le fait que, au cours de la procédure devant l’EUIPO, la requérante elle-même avait convenu que les quatre éléments individuels du produit concerné constituaient bien les caractéristiques de son apparence.
Sur le deuxième grief, relatif au défaut d’analyse par la chambre de recours de la fonction technique du produit concerné
49 À titre liminaire, il y a lieu d’observer que la chambre de recours a bien pris en compte la fonction technique du produit concerné, ayant constaté que celui-ci avait pour objectif de divertir les enfants en facilitant l’organisation d’une bataille d’eau (point 33 de la décision attaquée) et pour fonction technique de remplir simultanément un certain nombre de ballons gonflables (point 34 de la décision attaquée).
50 Ensuite, la chambre de recours, après avoir identifié les caractéristiques de l’apparence du produit concerné, a conclu que toutes ces caractéristiques étaient exclusivement imposées par la fonction technique dudit produit, relevant ainsi du champ d’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 (points 38 et 39 de la décision attaquée).
51 Il convient, dès lors, de rejeter le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas analysé la fonction technique du produit concerné.
52 Il est vrai que, pour arriver à la conclusion visée au point 50 ci-dessus, la chambre de recours a également analysé, aux points 33 et 34 de la décision attaquée, la fonction technique de chacune des quatre caractéristiques de l’apparence du produit concerné, à savoir du raccord, des tubes, des ballons et des attaches, et la contribution de chacune d’elles à l’obtention de la fonction technique dudit produit, à savoir du remplissage simultané d’un certain nombre de ballons gonflables qui pourraient être utilisés dans une bataille d’eau. Par exemple, ainsi qu’il est mentionné au point 30 ci-dessus, la chambre de recours évoque, au point 34 de la décision attaquée, les fonctions de ces caractéristiques telles qu’elles sont présentées sur Internet par la requérante.
53 Cette approche de la chambre de recours n’est pas entachée d’erreur.
54 En effet, lorsque le dessin ou modèle en cause est appliqué à un produit complexe, comme le produit concerné en l’espèce, dont les caractéristiques de l’apparence coïncident avec les éléments individuels qui le composent, la réponse à la question de savoir si lesdites caractéristiques sont « exclusivement imposées par la fonction technique du produit », au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, requiert, au préalable, l’examen de la fonction technique de chacune de ces caractéristiques et l’examen de la relation causale entre la fonction technique de chacune de ces caractéristiques et la fonction technique du produit concerné. Lorsqu’il n’y a pas de relation causale entre la fonction technique de la caractéristique et la fonction technique du produit, c’est-à-dire lorsque cette caractéristique ne contribue pas à la fonction technique du produit, il ne peut pas être soutenu que cette caractéristique est « exclusivement imposée » par la fonction technique du produit. En revanche, si une telle relation causale existe, celle-ci permet de conclure que la caractéristique de l’apparence du produit est « exclusivement imposée » par la fonction technique dudit produit, à condition que des considérations d’une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l’aspect visuel, n’aient joué aucun rôle dans le choix de cette caractéristique, au sens de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 31).
55 Pour illustrer les considérations susvisées, il est opportun de se référer à l’exemple du raccord aperçu sur le dessin ou modèle contesté. Le raccord, selon l’analyse précédente, constitue une caractéristique de l’apparence du produit complexe concerné en l’espèce, mais également un élément individuel, en d’autres termes, une composante, dudit produit. Ce raccord a pour fonction de connecter le produit concerné à la source d’eau, le robinet par exemple. Ainsi, il est clair que même si le raccord, pris isolément, a une fonction différente du produit concerné, ce dernier servant au remplissage simultané d’eau de plusieurs ballons, il contribue néanmoins à la fonction technique de ce dernier. Cette relation causale peut conduire à la conclusion que ledit raccord est « exclusivement imposé » par la fonction technique du produit concerné, à condition que des considérations d’une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l’aspect visuel, n’aient joué aucun rôle dans le choix du raccord.
56 Il s’ensuit que, comme l’EUIPO le relève à juste titre, le fait que le produit concerné comporte plusieurs caractéristiques, dont chacune remplit une fonction différente, n’exclut pas l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Cette disposition n’exige pas que les caractéristiques de l’apparence fassent référence à un seul et unique résultat technique. Les caractéristiques peuvent engendrer plusieurs résultats techniques, pour autant qu’elles contribuent à l’obtention du résultat technique visé par le produit.
57 Comme le fait observer l’EUIPO, ne pas admettre une telle interprétation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 aboutirait à ce que cette disposition ne soit pas appliquée à un certain nombre de caractéristiques exclusivement fonctionnelles du seul fait qu’elles ne remplissent pas directement la fonction du produit concerné. De même, l’application de cette disposition serait exclue pour les dessins ou modèles comportant une partie seulement d’un produit ou d’un élément de celui-ci, dès lors que ces derniers ne rempliraient que rarement la fonction du produit en tant que tel. Une telle situation n’est pas conforme à l’objectif poursuivi par la disposition susvisée.
58 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le grief de la requérante relatif à la méthode d’analyse suivie par la chambre de recours afin de conclure que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné sont exclusivement imposées par sa fonction technique.
Sur le troisième grief, relatif au critère d’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, utilisé par la chambre de recours dans la décision attaquée
59 La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir retenu un critère d’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, qui est moins exigeant que celui prévu par cette disposition, selon lequel les caractéristiques de l’apparence d’un produit doivent être « exclusivement imposées par sa fonction technique ». À l’appui de son grief, la requérante invoque les affirmations suivantes de la chambre de recours : l’affirmation, au point 34 de la décision attaquée, selon laquelle « toutes ces caractéristiques sont nécessaires au fonctionnement de la solution technique » ; l’affirmation, au point 35 de la décision attaquée, selon laquelle « l’aspect visuel du dispositif résulte bien de sa fonction technique » ; l’affirmation, au point 36 de la décision attaquée, selon laquelle « il convient toutefois en l’espèce de tenir également compte du fait que les caractéristiques, et la manière dont elles sont conçues, garantissent également des effets techniques qui permettent au produit de fonctionner parfaitement » ; les affirmations, au point 37 de la décision attaquée, selon lesquelles « [t]outes les caractéristiques essentielles du [dessin ou modèle] contesté ont été choisies en vue de concevoir un produit qui remplit sa fonction » et qu’« [a]ucune de ces caractéristiques n’a été choisie dans le seul but d’améliorer l’apparence du produit ».
60 Or, force est de constater que, certes, les termes susvisés employés par la chambre de recours dans la décision attaquée ne coïncident pas toujours avec ceux figurant à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Toutefois, placée dans le contexte de cette décision et lue à la lumière de son économie, la terminologie critiquée par la requérante ne démontre pas, en tant que telle, que la chambre de recours ait appliqué de façon erronée cet article. En effet, de manière non équivoque, la chambre de recours, en se référant à la disposition susvisée, conclut, au point 38 de la décision attaquée, que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné remplissent uniquement sa fonction technique.
61 Il s’ensuit que le présent grief de la requérante doit être rejeté et, par voie de conséquence, le deuxième moyen dans son intégralité.
Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur commise par la chambre de recours dans l’analyse des autres dessins ou modèles communautaires détenus par la requérante et de sa demande de brevet européen
62 La requérante fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir remis en cause l’analyse de la division d’annulation selon laquelle le seul fait qu’elle est la titulaire de plusieurs dessins ou modèles communautaires appliqués au produit « installations pour la distribution de fluides », visuellement différents, permet de déduire que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné sont exclusivement imposées par sa fonction technique.
63 La requérante fait également grief à la chambre de recours d’avoir considéré que, du fait qu’elle ait déposé une demande de brevet pour le même produit que celui auquel le dessin ou modèle contesté s’applique, contenant une description détaillée des caractéristiques de l’apparence de ce produit, ces caractéristiques sont exclusivement imposées par sa fonction technique. Selon la requérante, cette demande de brevet ne peut être qu’une source d’informations sur les raisons ayant dicté le choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné et ne peut pas constituer un raccourci permettant de faire l’économie de l’analyse structurée exigée par l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), et décrite dans le cadre du premier moyen.
64 L’EUIPO et l’intervenante contestent le bien-fondé des griefs de la requérante.
65 Il y a lieu de noter que, dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 32), la Cour a précisé que l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’était pas déterminante en ce qui concernait la question de savoir si la fonction technique du produit concerné était le seul facteur ayant déterminé les caractéristiques de son apparence.
66 De même, il convient de rappeler que la Cour, dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37), a considéré que l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique constituait une circonstance objective pertinente qui devait être prise en considération lors de l’appréciation de la question de savoir si les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient exclusivement imposées par sa fonction technique (voir point 17 ci-dessus).
67 C’est à la lumière de ces précisions qu’il convient d’apprécier les deux griefs de la requérante.
Sur le grief relatif à l’existence des autres dessins ou modèles communautaires détenus par la requérante
(…)
72 Il s’ensuit que l’existence des autres dessins ou modèles communautaires détenus par la requérante a été prise en compte par la division d’annulation, en tant qu’un facteur parmi d’autres, pour apprécier si les caractéristiques de l’apparence du produit concerné en l’espèce étaient exclusivement imposées par sa fonction technique au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.
(…)
Sur le grief relatif à la demande de brevet européen de la requérante
76 Il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a utilisé la demande de brevet européen de la requérante comme une importante source d’informations pour apprécier le dessin ou modèle contesté au regard de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.
(…)
81 En outre, il convient de relever que la chambre de recours ne s’est pas appuyée uniquement sur la demande de brevet de la requérante pour conclure que les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient exclusivement imposées par sa fonction technique. Elle a, également, pris en compte d’autres « circonstances objectives pertinentes » au sens de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), à savoir le dessin ou modèle contesté (point 35 de la décision attaquée), la nature et l’utilisation du produit concerné (point 33 de la décision attaquée), des données objectives indiquant les raisons ayant dicté le choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, à savoir la fonction desdites caractéristiques (point 34 de la décision attaquée), et les autres dessins ou modèles de la requérante (point 29 de la décision attaquée).
82 Il résulte des considérations qui précèdent que la chambre de recours ne s’est pas fondée uniquement sur la demande de brevet de la requérante ainsi que cette dernière le fait valoir (point 63 ci-dessus). Il en résulte également que l’analyse de la chambre de recours n’a pas constitué un « raccourci » de l’analyse exigée par l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172).
Sur le quatrième moyen, tiré des erreurs d’appréciation commises par la chambre de recours
(…)
89 Le créateur a affirmé que le dessin ou modèle contesté était plus esthétique que tout dessin ou modèle répondant à la fonction technique selon une des manières alternatives énumérées au point 6 de son témoignage, dans la mesure où il a une forme allongée, avec une longueur qui représente approximativement quatre fois sa largeur. Le dessin ou modèle contesté aurait, dès lors, une apparence simple, nette et élégante (point 8 du témoignage). Le créateur a soutenu que le choix de l’arrangement des aspects mentionnés au point 7 de son témoignage avait été dicté par le fait que cet arrangement constituait un des arrangements possibles permettant au dessin ou modèle contesté d’avoir une forme allongée qui lui conférait une apparence simple, nette et élégante (point 9 du témoignage).
(…)
95 À cet égard, il importe de rappeler que, afin de déterminer si les caractéristiques concernées de l’apparence d’un produit relèvent de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il convient de tenir compte de toutes les circonstances objectives pertinentes de chaque cas d’espèce et qu’une telle appréciation doit notamment être effectuée au regard du dessin ou modèle en cause, des circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, des données relatives à son utilisation ou encore de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique, pour autant que ces circonstances, ces données ou cette existence sont étayées par des éléments de preuve fiables (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37).
96 En l’espèce, force est de constater que la chambre de recours, validant la décision de la division d’annulation, a pris en compte des circonstances objectives, étayées par des éléments de preuve fiables, invoquées par les deux demanderesses en nullité, pour apprécier le dessin ou modèle contesté à l’aune de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. La chambre de recours a, notamment, pris en compte la demande de brevet de la requérante et a constaté que cette demande portait exactement sur le même produit que le dessin ou modèle contesté (point 32 de la décision attaquée). En effet, cette demande de brevet a aidé la chambre de recours à analyser le produit auquel le dessin ou modèle contesté s’appliquait et à constater que les quatre éléments individuels composant le produit et contribuant à sa fonction technique correspondaient aux caractéristiques de son apparence (points 33 et 34 de la décision attaquée). C’est ainsi que la chambre de recours a conclu, à juste titre, que le dessin ou modèle contesté n’était pas différent du brevet déposé antérieurement (point 34 de la décision attaquée) et que tous les éléments individuels composant l’apparence visuelle du produit concerné remplissaient une fonction technique (point 35 de la décision attaquée).
(…)
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Tinnus Enterprises LLC supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Koopman International BV.

